Les troubles de la vision
Ce qu'il faut bien comprendre
Les patients confondent deux éléments très différents, la vision et la réfraction. Nous allons essayer d'expliquer en simplifiant (j'espère que mes confrères pardonneront mes approximations).
La vision
La vision correspond à ce que le patient voit, et est exprimé en dixièmes. Une vision est considérée comme normale quand le patient lit 10/10ème sur le tableau de l'ophtalmo. Il s'agit là d'une valeur moyenne, et pas du tout un maximum. Les enfants arrivent souvent à 15/10ème ou plus. Une mauvaise vision correspond à 1 ou 2/10ème par exemple.
On évalue toujours la vision dans les meilleurs conditions possibles, c'est à dire avec lunettes si elles sont nécessaires. La vision sans correction n'a que peu d'intérêt, en dehors de l'aptitude à certains métiers (gendarmerie par exemple).
Quand on vous demande à quelle vitesse vous courrez, c'est toujours avec des chaussures, et pas pieds-nus ! C'est la même chose pour la vision.
Donc la seule acuité visuelle intéressante est l'acuité avec correction (lunettes ou lentilles).
La réfraction
Il s'agit là de la puissance des verres de lunettes nécessaire pour obtenir une vision aussi bonne que possible.
Quelqu'un qui n'a pas besoin de lunettes pour lire 10/10ème est dit "emmetrope".
Un patient qui est myope a un oeil un peu trop long, donc l'image se forme devant la rétine et il verra flou de loin. Pour le corriger, il aura besoin de verres concaves, divergents, négatifs. On parle par exemple de myopie de -2,00 dioptries. Mais ce n'est pas en regardant les lunettes de quelqu'un qu'on peut savoir quelle est sa vision. En principe il devrait avoir 10/10ème avec sa correction, mais ce n'est pas toujours le cas (maladie oculaire, oeil faible de naissance...). Une règle ancienne des ophtalmologistes rappelle "10/10ème ou un diagnostic". Il suffit d'une faible myopie pour être très gêné. Ainsi un myope de -0,50 dioptrie ne voit que 5/10ème sans lunettes, mais bien sûr 10/10ème avec sa correction.
Quand les enfants ont une myopie qui augmente, par exemple -2,50 dioptries, puis -3,25 dioptries un an après, cela ne veut pas dire que sa vision baisse. Sa vision sera toujours la même, mais avec des verres un peu plus forts.
En revanche, ce qui est grave, c'est lorsque l'enfant a une vision qui baisse. Cela peut être dû à une maladie de la rétine, une cataracte, une tumeur. L'enfant a alors 2 ou 3/10ème avec sa correction et ne peut pas être amélioré par des verres.
Un patient qui est hypermétrope a un oeil un peu trop court, donc l'image se forme derrière la rétine. Il va être gêné de loin et de près sans lunettes, mais un jeune âge permet d'accommoder, c'est à dire de "forcer" pour ramener l'image sur la rétine. Cela entraînera des maux de tête à la vision de près, un inconfort dans le travail ou devant l'ordinateur. Il faut se méfier des examens qui concluent que tout va bien quand la vision est de 10/10ème sans correction, car le sujet peut être hypermétrope depuis des années. Seul l'ophtalmo pourra déceler ce trouble de la vision. Cela est corrigé par des verres convexes, convergents, positifs. Par exemple on parlera d'une hypermétropie de +3,50 dioptries.
L'hypermétropie chez les enfants doit absolument être connue, car il ya un risque d'oeil faible (amblyopie). Un enfant hypermétrope ne se plaindra jamais de rien, mais un de ses yeux risque de se mettre au repos et ne fonctionnera pas. C'est souvent accompagné d'un strabisme constant ou intermittent (le soir ou à la fatigue). Le travail avec l'orthoptiste permettra de rééduquer cet oeil faible et finalement d'obtenir une bonne vision des deux côtés.
Quand l'ophtalmo augmente la valeur des verres de ces enfants, cela ne veut pas dire que la vision baisse, mais qu'au contraire on va lui adapter des verres meilleurs. Ils seront mieux adaptés à la valeur de l'hypermétropie. Un enfant hypermétrope de +8 dioptries par exemple sera d'abord corrigé avec des verres de +5 dioptries, puis, quelques mois plus tard, par des verres de +6,50 dioptries. Et parallèllement on va surveiller la vision, faire de la rééducation orthoptique
Un patient astigmate a des yeux un peu "aplatis", ce qui va troubler la vision de loin et de près. Il faut des verres spéciaux pour corriger ce défaut. On peut être astigmate et myope ou bien astigmate et hypermétrope.
Un patient presbyte a des difficultés à lire de près, à partir de 45 ans (en moyenne). On peut bien sûr être myope, hypermétrope et/ou astigmate en plus. On adapte en principe des verres progressifs pour n'avoir qu'une paire de lunettes. Les myopes voient très bien de près sans lunettes, les hypermétropes sont gênés très tôt, vers 42 ans pour la lecture.
Ce qu'il ne faut pas oublier
L'étude de la réfraction n'est qu'un élément de l'examen ophtalmologique qui comprend constamment:
- un interrogatoire des antécédents médicaux, personnels ou familiaux,
- un examen de la statique oculo-palpébrale et des mouvements oculaires,
- une étude de la réfraction,
- un examen de l'oeil (biomicroscopie, pression intra-oculaire, fond d'oeil)
Un bilan orthoptique peut être demandé en cas de strabisme, de maux de tête, d'instabilité oculo-motrice.
Ce qu'il faut savoir
Un examen ophtalmologique n'est pas qu'une suite de mesures et d'examens complémentaires, mais correspond au contraire à un examen médical précis.
C'est le sens clinique du médecin ophtalmologique qui orientera le diagnostic vers une pathologie grave, une simulation ou des troubles mineurs. Il pourra rassurer le patient ou bien au contraire engager des examens plus approfondis.
Les patients s'inquiètent souvent pour des anomalies mineures (hémorragie sous-conjonctivale par exemple), alors qu'ils devraient beaucoup plus se préoccuper de faire rechercher un glaucome insidieux qu'ils ne verront jamais dans le miroir.
Le glaucome est une maladie neurologique du nerf optique qui aboutit à la cécité sans traitement. Le plus souvent il est dû à une augmentation de la pression intra-oculaire, mais il existe des glaucomes à pression "normale".
Cette pathologie grave survient le plus souvent après 45 ans et impose un examen ophtalmo tous les deux ans. Même si "j'y vois bien".